Art & Culture
Le musée de l'épée japonaise de Bizen Osafune – Pour préserver les arts anciens
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- NOM DE LA DESTINATION
- Okayama
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- MOTS-CLÉS ASSOCIÉS
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- DERNIÈRE MISE À JOUR
- 09 Janvier, 2020
Étant fasciné par les armes médiévales, je ne pouvais pas passer à côté du Bizen Osafune Japanese Sword Museum, alors même que le musée est situé dans la ville de Setouchi, dans la préfecture d’Okayama – une région à la réputation millénaire, pour la finesse des lames qui y sont produites.
Même mieux : j’avais appris que pour à peine 1 500 yens, nous pouvions prendre part à un atelier dans lequel nous fabriquerions notre propre coupe-papier sous la direction du maître-forgeron du musée, Yuske Ando. (Sérieusement, n’est-ce pas vraiment cool ?)
Mais avant cela, nous avons commencé par une visite du musée et de ses collections inestimables de lames, dont beaucoup ont bien plus de 1000 ans. Quelques notices d’informations sont disponibles en anglais et il est même possible de réserver une visite guidée en anglais – en s’y prenant en avance.
Et laissez-moi vous prévenir – les épées qui sont exposées sont à couper le souffle.
« Le fait que le katana soit en même temps une arme et une œuvre d’art existe depuis les origines », commence Kenji Sugihara, le conservateur du musée de l’épée japonaise Bizen Osafune. « Tous les arts traditionnels japonais sont en fait représentés dans l’objet : travail de forge pour la lame ; sculpture du bois, papier et laque du côté du fourreau ; tissu et arrangement des cordes pour la poignée ; gravure pour la garde, ainsi que les emblèmes et tout autre décoration qui terminera la pièce.
Fabriquer des épées japonaises requiert trois ressources clé – du sable ferreux pour récupérer le minerai, du pin rouge pour les charbons qui pourront brûler ardemment pour forger l’acier, et de l’eau pour tremper les lames. Avec des montagnes riches en fer, des forêts garnies de pins et la rivière Yoshii, Bizen s’est naturellement développée comme une capitale de cet art.
Cependant, depuis le début, la qualité des ressources n’est pas le seul point fort de Bizen.
« Même s’il est vrai que les matériaux disponibles ici sont les meilleurs, ce qui différencia vraiment Bizen était la compétence de ses artisans, continue Sugihara. En fait, près de 50% des épées classées Trésors nationaux du Japon sont sorties des forges de Bizen – y compris l’épée Tomonari vénérée dans le sanctuaire Itsukushima-jinja de l’île de Miyajima.
Les artisans de l’épée ne gravent pas seulement leurs noms sur la lame, sur la partie qui sera la poignée de l’arme, ils appliquent également un hamon spécifique, qui donne une indication de la région dans laquelle ils travaillent. Le hamon étant cette « ligne de trempage » qui court le long de la lame, un résultat du processus de durcissement du métal.
Les motifs des hamons sont donc de véritables marques, représentant les différentes régions de production – à tel point que reproduire le hamon d’un autre territoire a finalement été interdit par la loi. Mais malgré cela, les artisans n’étant pas de Bizen se sont longtemps aventurés à reproduire le motif de la région, ce qui leur assuraient un meilleur prix de vente.
Mais de façon intéressante, il n’existe aucune trace d’un artisan de Bizen copiant le motif d’une autre région.
Les katanas de Bizen ne sont pas seulement une relique du passé samouraï. En fait, les artisans locaux continuent de produire et de vendre des katanas de nos jours. Et ceux qui les achètent le font pour tout un tas de raisons.
Par exemple, certains achètent un katana comme cadeau d’anniversaire traditionnel pour les 60 ans, ou comme un hommage pour placer dans le cercueil d’un proche (il est alors appelé makuragatana pour « katana-oreiller »). Une autre tradition ancienne, que certains suivent toujours, consiste à offrir à une future mariée un tanto (une dague japonaise) pour éloigner les forces maléfiques de son mariage.
Mais malgré tout, les ventes de nouvelles épées sont déclinantes. Et si cela ne suffisait pas, les forgerons contemporains doivent faire face à un autre challenge pour poursuivre leur art – le difficile accès aux matières premières.
« Les montagnes sont protégées par la loi, ce qui rend de plus en plus complexe de se procurer les sables ferreux qui donnent le minerai, ainsi que l’argile dans laquelle les lames sont enveloppées pendant une étape de la fabrication, explique Ando. De plus, les insectes et le changement climatique tuent les pins rouges, pendant que les artisans qui produisaient les charbons vieillissent et ne trouvent pas de successeurs. »
Avec les prix des matériaux à la hausse, ceux des lames ont également grimpé. De plus, seuls les artisans ayant réussi un examen organisé par l’Agence des affaires culturels japonais peuvent devenir forgerons de katana. Enfin, chaque artisan ne peut fabriquer plus de 24 épées par an – la régulation précisant qu’un katana traditionnel nécessite au moins quinze jours de travail.
Entre ces régulations, et surtout une économie dans laquelle la demande n’est plus aussi présente – beaucoup repoussant ou n’envisageant plus ces achats luxueux – de nombreux artisans luttent.
« À mesure que les clients se raréfient, de plus en plus de forgerons abandonnent leur art car ils ne peuvent plus en vivre », résume Ando.
Pour lutter à petite échelle contre ce recul, nous rejoignons l’atelier d’Ando pour fabriquer un coupe-papier. Avec des tiges de fer qu’il a lui-même travaillé pour qu’elles prennent leur forme actuelle, l’artisan nous montre comment aiguiser les bords de notre mini-lame.
Une étape qui prend finalement un peu de temps, et fait travailler nos avant-bras – je ne peux qu’imaginer la force et l’endurance requises pour un katana entier.
Mais après quelques temps, les bords de nos coupe-papiers deviennent bien plus menaçants. Ando est resté avec nous tout le long de l’atelier, nous abreuvant de conseils amicaux et toujours prêt à répondre aux questions – ou à fournir des bouts de papier pour tester nos créations.
Nous avons passé un bon moment, et je recommande l’atelier d’Ando pour quiconque visiterait le musée. Étant donné la nature physique du travail, où il suffit simplement de reproduire les gestes de l’artisan, ne pas parler japonais n’est vraiment pas un problème.
À la fin, nous avons choisi entre plusieurs étuis colorés en origami pour protéger nos lames fraîchement aiguisées, et avons remercier Ando.
Quand je lui ai demandé quel message il aimerait passer aux lecteurs du monde entier, Ando m’a répondu avec la franchise terre-à-terre du forgeron. « Je veux que les gens sachent que les artisans produisent encore des katanas aujourd’hui – que l’art est toujours vivant. Des visiteurs viennent souvent et sont étonnés quand je leur dis que je fabrique des katanas, et leur étonnement me fait de la peine. »
Malgré ses 19 ans de forge, Ando se considère encore comme un étudiant dans son art. « Mais un jour, je maîtriserai l’authentique style de Bizen, sourit humblement mon professeur d’un jour. C’est mon but premier. »
En parcourant les ateliers qui entourent le musée, il est possible de voir les artisans au travail – un graveur, un fabriquant de fourreau, et bien d’autres. Les regarder travailler donne l’impression de regarder à travers les brumes du temps.
Commander une épée à Ando était un peu hors de notre budget au moment de notre visite, mais séduits par la qualité et l’histoire de l’artisanat de Bizen, je ne serais pas surpris d’acquérir un jour l’une de ces lames.
En attendant, je reste rassuré de savoir que les arts anciens de Bizen perdurent entre les mains d’artisans comme Ando – guidés par la lueur de leurs forges.
Texte et photographies de Peter Chordas
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Okayama
La région d’Okayama a prospéré comme une région aux éléments culturels variés, dont les sabres, les poteries de Bizen et d’autres pièces artisanales. Grâce à la clémence de son climat, des fruits, pêches et raisins muscat, sont activement cultivés ici. La région comprend aussi des endroits où vous pouvez découvrir les îles de la Mer intérieure de Seto.